" Elle savait qu'elle allait devoir se battre mais n'avait jamais imaginé que ce serait aussi douloureux. Elle pensait avoir vécu le pire. Or, derrière le pire se cache encore pire. Malgré tout, elle ne veut plus laisser une seule miette de sa vie à l'anorexie. Elle cherche de l'aide, elle exprime douloureusement ses blessures si longtemps tues. Elle se bat, elle se débat. Et là où elle a toujours failli, des ressources inespérées se révèlent à elle. Ainsi, jour après jour, repas après repas, elle tient la distance, elle ne laisse rien échapper, elle prend l'ensemble de ses repas jusqu'à la dernière miette. Et pourtant, son angoisse éclate parfois si violemment, dans une douleur tellement intense, un dégoût si fort, qu'elle ne voudrait qu'une chose : elle voudrait juste tout laisser tomber. " Mais avant cela, avant le réveil, il a bien fallu s'apercevoir que l'anorexie était l'ennemie en soi, qu'elle n'était pas force, qu'elle fonctionnait comme illusion et comme voile. Qu'elle n'était pas bouée de sauvetage, mais enclume. Qu'elle l'entraînait plus vers le fond que vers l'éther. Ainsi, avant de se soigner et de préférer vivre, il a fallu passer par les montagnes russes de l'âme, déjouer ses propres velléités et vraiment prendre conscience du mal. Conscience : il s'agit peut-être même du terme sous lequel placer ce témoignage qui n'a de cesse d'autopsier, de comprendre et de vouloir faire comprendre les mécanismes dévastateurs et insidieux de l'anorexie. Un texte lucide, jusqu'au terrible.