Dans ses derniers ouvrages publiés quelques années avant sa mort en 2011, Édouard Glissant renouvelle le fond politique et la forme poétique de ses représentations de la Martinique et de la France, du Reste du monde et de l'Occident, qu'il convoque dans son Tout-monde, le " kay tout moun ", le monde dans sa totalité perçu comme " la maison de tous, [qui] appartient à tous et [dont] l'équilibre passe par l'équilibre de tous ". Dans ses " interventions politiques ", d'Une Nouvelle région du monde (2006) à La Terre, le feu, l'eau et les vents : Une Anthologie de la poésie du Tout-monde (2010), Glissant saisit l'événementiel non sans dire la réalité limpide du Tout-monde par le truchement de la réactualisation de ses théories opaques conceptualisées dans ses premiers écrits phares tels Le Discours antillais (1981), Poétique de la Relation (1990) et Introduction à une poétique du Divers (1996). Glissant invite l'humanité ou plutôt les humanités à se démarquer de toute pensée de systèmes définie et régie globalement par la mondialisation, une variante subtile du capitalisme néolibéral. Sans imposer un modèle unique quelconque, il propose la Relation et la mondialité comme alternatives permettant à tout étant du monde d'aller à la rencontre de l'autre pour changer et échanger avec lui ou elle " sans se perdre ". Assurant une vraie visibilité inclusive et équitable à tous les niveaux, ces possibilités sont des manières de vivre présentes et futures en harmonie avec le monde qui se créolise imprévisiblement de jour en jour.