À l'heure où se développent dans le monde des recherches pluridimensionnelles sur le transhumanisme, plus grand débat du XXIe siècle, j'ai jugé utile de proposer aux lecteurs une réflexion critique pour susciter un intérêt nouveau sur les questions de sens et de valeurs auxquelles incite cette problématique. J'examine dans ce livre deux promesses sous-jacentes, rarement traitées, bien que constitutives de l'ambition des transhumanistes : le progrès moral et le bonheur humain. Le transhumanisme conduit l'humanité vers un fossé anthropologique, dans sa négation de la vulnérabilité humaine. Je tiens pour vraisemblable l'hypothèse que par définition, la morale entretient une relation avec la vulnérabilité du sujet humain. Le discours moral se définit comme un cadre normatif de protection et de prescription pratique de l'Homme, par-delà les frontières géographiques et culturelles. L'idée prédominante du projet transhumaniste d'un être parfait conduit inéluctablement à l'incertitude, voire à l'indétermination de l'éthique, y compris à l'anéantissement de ses aspects normatifs. La promesse de bonheur humain, inhérente par ailleurs au projet transhumaniste, est elle-même critique. La fabrication d'un être parfait est incompatible avec la réalisation du bonheur. Comme le progrès, le bonheur suppose un état antérieur d'insatisfaction singulière issu de la perception de l'Homme comme être fini. Or, les transhumanistes ont une conception si technologique de l'Homme qu'ils en viennent à penser qu'on peut fabriquer le bonheur. Le progrès moral et le bonheur humain ne peuvent découler d'un être humain réduit à n'être qu'un artéfact.