Ce qui prime, c'est l'étonnement permanent, celui qui nous cloue et nous rive au présent, celui qui nous révèle vivants. Ce désir de rester stupéfait, c'est-à-dire tout autant émerveillé qu'effaré, fasciné qu'effrayé, transparaît dans le recueil poétique de Roger Barbet, capable de nous entraîner dans l'oeil du cyclone ou de nous attendrir sur le miracle de la naissance. Scènes grandioses et scènes intimes, paysages spectaculaires et états intérieurs alternent ainsi dans cette oeuvre où l'écriture abandonne toutes ses prétentions pour redevenir ce moyen de comprendre, par tâtonnements, par images, par détours, ce qu'est l'infinie complexité de la vie et des sentiments. Certains le voient prophète, d'autres bohême ; certains le politisent, d'autres le veulent incarnation de la liberté... Pour Roger Barbet, le poète est avant tout passeur, prisme, " intermédiaire premier, capteur de tous les sons / instrument temporaire d'au-delà la raison ". Oui, le poète est une caisse de résonances. Ses textes sont un lieu de transformation et de transmission. Ils sont cet espace où la langue retravaille un matériau brut, vivant et personnel, moins pour le décrire que pour nous le faire ressentir. Cette " mission " poétique, Roger Barbet ne fait pas que la définir. Il l'applique aussi, faisant de " Coeur de l'être " un recueil où s'affirme, humble, ébahi, bouleversé, heurté, le regard d'un homme épris du monde.