Vue du restaurant de Tashi, Sonada conserve cette sensation de ville, certes habitée de réfugiés, pleine de la vie réelle, sans parcage, ni barbelés ou police attribuée. Pourtant, quand l'on emprunte l'allée qui mène à l'entreprise artisanale, on ressent d'avantage la nature même de cet endroit à part. Sous une apparence coquette et bien peinte, le froid se fait plus vif, les regards insistants. La pression nécessiteuse et donc mercantile est partout et nulle part, diluée dans les pas, les attitudes, les visages croisés, moins drôles, moins proches, plus, ou trop véritables. Avec moins d'argent que le prince restaurateur, le vrai peuple du Tibet est là. Il a fui n'importe comment, n'était pas dans la caravane du DalaïLama, n'a pas rejoint la cour de Darhamsala. Ici, la tristesse et la révolte sont de vains sujets, oblitérés par l'obligation de survie et donc du travail fourni par chacun à cette micro collectivité en franchise territoriale. Un bout de l'Inde du nord, précieusement abandonné à ces gens, flotte sous leur vie, tel un radeau, comme sauvegardant un peu leurs certitudes natives, ce que de l'âme d'un peuple l'on peut concevoir, non en vain, au-dessus des vagues de l'océan du samsara.