"(...) Les vitrines des boucheries, des boulangeries, les vitrines des magasins en général étaient vides la plupart du temps, et même les mouches étaient mortes de faim dans ces vitrines désolées. Par contre, il y avait une émulation sociale dès que la rumeur d'un transport qui allait venir en ville courait. On commençait à faire la queue avant même que le camion ne parte pour ramener la marchandise... C'est ainsi qu'on passait six, huit, voire douze heures pour acheter de la lessive, des fournitures scolaires, sans parler des précieux oeufs, viande, lait, pain, etc.Les premières personnes de la queue étaient, en règle générale, les personnes âgées retraitées, des voisins de la caissière, ou alors des amis de la famille qui avaient été informés de cette possibilité par téléphone ou alors en épiant les conversations de la caissière à travers les fines parois des HLM roumains. Les autres s'agglutinaient comme des raisins en grappe, de sorte qu'en une demi-heure une grosse queue se formait devant l'entrée du magasin ou alors directement devant la porte de derrière, là où l'on réceptionnait la marchandise. (...)"