" Jacquou n'était plus là. Alors, Suzelle ne le vit plus guère. Qu'une fois. Pour quelques jours. Il avait eu une permission. Sans doute la dernière avant de partir vers ce pays, l'Indochine, où tous les espoirs lui semblaient permis ! Sortir de sa condition. Se construire un avenir. Il n'était plus le même Jacquou, sublimé dans ce costume de l'armée de l'Air qu'avec allure il portait ! Qu'il était loin du garçonnet, puis de l'adolescent au teint de pêche, avec sa mèche sur le front, qui l'entraînait à jouer aux jeux de garçons et à grimper aux arbres, les coudes et les genoux écorchés ! Beau brun aux yeux noirs, au regard profond, ardent et vif, les filles, maintenant, l'accaparaient. Qu'il était loin de la photo sur laquelle il était assis, encore prêt à bondir, au pied de ce tronc d'arbre sur lequel Suzelle avait été sagement installée ! " Jacquou et Suzelle, les frère et soeur complices qui ont traversé une guerre dans l'innocence. Puis une fraternité qui s'est étiolée, dilatée, mise en sourdine, quand Jacquou est parti au loin, pour participer à une autre guerre dont on parle si peu, laissant Suzelle à son devenir de femme... "Il pleut sur Le Rocher" est donc histoire de trajectoires qui se dessoudent et se perdent, la vie les attirant dans des sens contraires. Le roman de S. Ravinet dit ainsi une absence, un creux, dans l'existence de Suzelle, vide qui ne se comblera que sur le tard, quand les enfants d'antan se retrouveront et mettront des mots sur l'expérience indochinoise. Et l'auteur de composer, avec délicatesse, une oeuvre où destinée féminine, travail de mémoire, souvenirs lumineux et sombres s'enlacent infiniment.