" Arrivés sur les lieux, mes trois hommes et moi fûmes royalement accueillis, applaudis par femmes et enfants. L'espoir de la délivrance reposait sur mes frêles épaules ; j'avais vingt-trois ans et j'étais plutôt malingre. Accédant au seuil de la porte, je constatai que le forcené assis sur le lit était indifférent. Je choisis d'opérer avec tact : posant un pied dans la chambre, je lui dis bonjour. Comme piqué au vif, il se leva soudain et, sur un ton menaçant, m'invita à sortir de suite. Le logeur, loin de me rassurer, me souffla à l'oreille de faire attention au couteau qu'il détenait, sous l'oreiller ; je dus m'exécuter. Lui aussi regagna sa place. Considérant que le face-à-face passif ne pouvait perdurer, je me résolus à l'attaquer par surprise, conscient que mes hommes me prêteraient immédiatement main-forte. L'homme était trapu. Sa position assise lui avait donné une meilleure posture ; il me prit par la taille, me souleva pour me flanquer contre le mur. " Le plaisir de se souvenir, l'humilité, mais aussi le désir de rendre hommage aux siens et à ceux qui l'ont entouré : tels sont les piliers sur lesquels se construit l'autobiographie de S. Gaye, qui y rend compte de son ascension, de ses milles vies, des coups du sort qui ont modifié sa trajectoire, de sa rencontre avec les très grands de ce monde et de son époque. Un récit à l'image d'une rivière : jamais linéaire, mais sinueux, méandreux, bouleversé, surprenant.