Pour Josef Voss (né en 1942), le langage fait problème dès sa plus tendre enfance. De par sa formation bilingue - en effet, sa langue maternelle est l'allemand tandis que le français est la langue de ses études -, il a été très tôt sensibilisé aux choses du langage. Dès 1962, il s'intéresse aux questions proprement philosophiques que pose le langage. Cet intérêt culmine, en 1977, avec la défense d'une thèse consacrée à la philosophie énergétique du langage de Wilhelm von Humboldt (1767-1835). "Le langage n'est pas un ouvrage (Werk, ergon), mais une activité (Thätigkeit, energeia)." Cette proposition cardinale de celui qui passe, à juste titre, pour être le père de la philosophie du langage, constitue non seulement le point de départ, mais encore l'idée directrice qui sous-tend la présente thèse de doctorat, à savoir que le langage est fondamentalement force agissante, créativité vivante, énergie spontanée. Contenant à la fois une définition négative et une définition positive du langage, la proposition ergon-energeia signifie, négativement, que le langage n'est pas d'abord et avant tout oeuvre, c'est-à-dire instrument, structure, moyen, entité statique, comme si le "langage" se réduisait à la "langue", et, positivement, que le langage est essentiellement énergie linguistique, mouvance dynamique, force en action. Il s'agit là, ni plus ni moins, d'une véritable "révolution copernicienne", dans la mesure où le regard du philosophe cesse d'être braqué sur la langue en tant que structure achevée (forma formata) pour remonter - ou tenter de remonter -, suivant le principe de causalité, à la source de celle-ci, i.e. le langage en tant que force de structuration (forma formans). Autant la linguistique est un discours "effectif" sur le langage étudié en tant que ergon ou produit fini, "effet", autant le discours philosophique sur le langage ambitionne d'être en quelque sorte une "archéologie" du phénomène linguistique appréhendé en tant que production énergétique, avec tout ce que cela implique comme évolution organique, comme procès génétique, comme dynamique créatrice.