À en croire Péguy, l'ordre seul fait en définitive la liberté, et le désordre la servitude. Ce chiasme réapproprié en désordre-liberté, en ordre-servitude et vice versa pose d'une part le problème de la conciliation des deux exigences apparemment contradictoires, antinomiques et, d'autre part, semble interpeller au premier chef la philosophie politique. Pourtant, tout est entrecroisé ; l'ordre pensé à la fois comme finalisé et comme structure stable ou récurrente, et le désordre comme absence d'un dessein intelligent, ouvrent à une complexité qui enjoint politique, éthique, esthétique et épistémologie à la quête de sens. Repenser le désordre et la liberté, c'est engager le penser philosophique dans des notions profondément mêlées et complémentaires, dont leur combinaison, dans un jeu de contingence et de nécessité, produit la diversité du monde matériel et axiologique que nous connaissons. Face à cette homothétie entre les conceptions du désordre et de la liberté, l'ordre finalisé, nécessaire et contingent ne se constituera pas à l'encontre du désordre, mais avec lui. La liberté s'établira non en triomphant de la servitude, mais en se servant de celle-ci.